De Manang, Sarah, Dil et moi décidons de partir explorer le lac Tilicho, le plus haut lac du monde (source népalaise) culminant à 4,919 mètres d’altitude; il est en fait le 20e plus haut du monde (pour la petite info, Titicaca est 35e, c’est le lac Ojos del Salado en Argentine qui bat tous les records du haut de ses 6,350m!).
Quelle aventure! J’ai adoré notre trek jusqu’au Camp de Base, au pied du sentier menant au lac, sans oublier le retour sous la neige. L’ascension au fameux lac qui n’arrivait jamais ne fut en revanche pas une partie de plaisir, voire un cauchemar….

Mais commençons par le commencement:
De Manang au Camp de Base, un concentré de sensations fortes
Nous démarrons de Manang (3,540m) direction Siri Kharka (4,070m), en pleine forme, pour 2h30 de bonne montée bien raide. C’est la partie facile… après Siri Kharka, et jusqu’au camp de base, s’ensuit un trek digne des aventuriers de l’extrême! Après la traversée d’un pont suspendu très instable au dessus des profondes gorges du Khangsar, nous escaladons un immense rocher du haut duquel s’ouvre un panorama fantastique.
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Arrivée à Siri Kharka
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Trouvez le sentier dans la montagne…
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Débutent ensuite les fameuses « landslides » ou glissements de terrain, nous marchons à présent à fleur de montagne, sur un sentier de 30-40 cm de largeur serpentant le versant. Au dessus de nous, 100 mètres de montagne nous domine tandis que la rivière serpente à 500 mètres sous nos pieds. Être littéralement au milieu de cette façade montagneuse, dominant un paysage rocailleux duquel se dresse d’énormes stalagmites en pierre, la rivière sinueuse du Khangsar courant au pieds de montagnes gigantesques (dont les Gangapurna et Roc Noir) zébrés de cascades, c’est invraisemblable! Nous devons également faire attention aux chutes de pierre, bien sûr fréquentes et déclenchées principalement par de maladroits Bambis. Un faux pas et c’est la chute; notre taux d’adrénaline est donc dans le rouge mais quelle merveille!

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La rivière du Khangsar en contre-bas…
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45 minutes plus tard, nous arrivons au Camp de Base, et retrouvons notre nouvelle dreamteam, Andrea, une allemande sympathique et ultra sportive, Jon et Eunate, un couple de basques montagnards et Deana et Lucas, un couple suisses eux aussi nés un pied dans la montagne. Beaucoup d’Allemands et d’Israéliens dans la salle à manger de notre auberge où nous essayons tant bien que mal de nous réchauffer. Nous profitons du fourneau, d’un bon dîner riche en féculents et de nombreux fous rires pour remonter la température…
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L’ascension au Lac Tilicho, une épreuve inoubliable
Le lendemain, nous nous attaquons au lac. Pas de soleil malheureusement aujourd’hui, et qui dit pas de soleil, dit degrés en moins et vent en plus.
Emmitouflés dans nos polaires et parkas, nous commençons à grimper dès 6h30 tapantes. De 4,120 à 4,970 mètres, c’est une lente et éreintante montée, sans plats ni petites descentes; pas un brin de végétation sur cette montagne rocailleuse dont le sommet nous est rendu invisible par d’épais nuages gris. Le début se passe bien. Sarah nous quitte malheureusement après 1 heure à cause d’un mauvais mal de tête. Je continue la montée, secondée par Dil, que je vois pour la première fois en parka, écharpe bien serrée autour du cou et lunettes de soleil de surfeurs sur le nez. La montée est incroyablement dure, à nouveau à fleur de montagne, sur un sentier minuscule et tout en cailloux qui me fait reculer à chaque pas. Je vois au loin mes amis trekkers, partis avant moi, minuscules petits personnages disparaissant dans les sillons du versant de cette horrible montagne de pierres et de cailloux.
Le vent me frappe le visage; mes mains sont bientôt frigorifiées et ce, malgré mes gants en soie, mes mitaines en polaire et les Gore-tex que Sarah m’a prêtée. Dil me souffle sur les doigts, me masse sous les gants, lui qui m’a même pas encore enfilé sa propre paire!
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Après 1h45 de l’interminable et frustrante ascension, dans un froid de canard, je sens mes forces me quitter et m’assois pour un snack. « Je peux le faire« , voilà ce que je me répète à chaque tournant. La montée sur les cailloux est terminée et nous abordons un sentier zigzaguant tel un spaghetti interminable vers le faîte de la montagne. Le sentier est terreux et plus facile, je retrouve de l’énergie. Je vois bientôt les silhouettes disparaitre derrière le sommet de la montagne. Il fait tellement froid, le vent souffle et me voilà bientôt à nouveau désespérée, devant un Dil qui me tapotte gentiment dans le dos: « Still 1/2 hour, then flat! ». Il a trouvé les mots justes, me voilà répartie! Mais Dil le malin ne m’a pas dit la vérité et nous sommes encore à 1h30 du fameux lac… Mais quelle vue: le mur des Annapurna nous domine, des monts Gangapurna à la Grande Barriere, la superbe vallée à nos pieds.
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Enfin le sommet! nous passons d’une paysage de montagne rocailleuse à un manteau blanc. Nos pieds s’enfoncent dans 25 cm de neige, les montagnes devant nous disparaissant presque dans l’air chargé de neige, leurs sommets comme effacés par les nuages.
« C’est encore loin?? » – 10 minutes! me dit Dil… encore faux! mais on ne m’arrête plus et je marche à bonne cadence, rythmée par mes bâtons de trek, une deux, une deux, essayant tant bien que mal de me réchauffer.
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Enfin le lac: il est minuscule!! Ah non, ce n’est pas le bon me dit Dil… fichtre, on continue, marchant entre les piquets disparaissant à moitié dans la neige, c’est interminable!
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Quand enfin, j’aperçois Jon, Eunate et Andrea se prendre en photo, le sourire figé par le froid, devant une petite tea house, j’imagine le lac juste derrière. Et en effet, il est bien là: immense et d’un bleu profond, il n’est malheureusement pas aussi impressionnant que par grand beau temps. Les nuages gâchent le superbe panorama, cachant les chaines de montagnes qui encerclent le lac tel un amphithéâtre. Alors qu’Eunate me prend dans ses bras pour me féliciter, je ne sais pas encore si je suis heureuse, crevée, frigorifiée, soulée… tellement d’émotions se mélangent dans ma tête! Je prends quelques photos, pose avec Dil, m’incruste dans la tea house enfiler une enième couche que je m’étais gardée pour le sommet, puis entreprends le chemin du retour.
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VICTOOOOIRE!
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Nous redescendons à bonne cadence cette fois, 1h45 durant; le vent est à présent beaucoup plus fort et nous devons nous arrêter régulièrement pour ne pas nous laisser emporter, fermant les yeux en attendant la fin de rafales qui nous paralysent les muscles du visage, telles des lames glacées. Ajoutons une folle envie de faire pipi, et un début de tempête de neige, et nous avons là une descente bien intense et une Marjo complètement lessivée, mais heureuse, à l’arrivée…

Le retour à Manang, les pieds dans la neige
Il me faut bien 45 minutes et une enorme assiette de riz sauté aux oeuf, que je déguste lentement, pour me remettre de mes émotions et sentir mes forces me revenir. La neige tombe à présent à gros flocons au dehors, et il nous faut repartir jusqu’à Siri Kharka au risque de rester bloquer le lendemain par le verglas. Je ne me sens franchement pas capable de repartir après l’épreuve de ce matin mais il le faut bien; je me motive et malgré une grande fatigue et ce paysage d’hiver qui invite à s’emmitoufler dans une couverture et ne rien faire, je repars pour 3 heures de marche avec mon équipe de choc sous un blizzard inoubliable jusqu’à destination, à chanter des cantines de Noël avec une Sarah ultra motivée et un Dil riant aux éclats.
La neige nous fouette les yeux et le visage, il fait très froid; au niveau des glissements de terrain, la sécurité est de mise et nous allons très lentement sur le sentier minuscule et à présent invisible sillonnant le versant. Ça grimpe sec mais nous préférons les grimpettes aux descentes qui s’avèrent sportivement glissantes. Arrivés à Siri Kharka, nous sommes très fatigués mais ravis de pouvoir enfin nous reposer et profiter avec nos amis retrouvés d’une soirée autour du fourneau, au cœur d’un paysage de montagnes recouvertes d’un épais manteau blanc.
Nous repartons le lendemain pour Manang, où nous resterons l’après-midi dans l’attente de ciels plus cléments, sans quoi l’ascension du col de Thorung-la nous sera impossible. La neige a cessé de tomber, nous pouvons enfin sortir nos appareils photos et immortaliser cette superbe marche, les pieds dans la neige et la tête dans les étoiles…

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